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Nourrir le désir de clinique des professionnels de psychiatrie : un enjeu clé d’attractivité et de prévention de crise.

Dernière mise à jour : 17 avr. 2024

Constats et recommandations issus  de l’observation d’une dizaine de services d’hospitalisation complète de psychiatrie sur plusieurs mois.

 

En dehors des traitements somatiques (médicaments, sismothérapie, traitements de stimulation du cerveau), le soin psychiatrique exige plus de « créativité » et de volonté qu’ailleurs de la part des professionnels.  Il est moins technique et plus incertain qu’en MCO et les dimensions du soin relationnel peuvent être moins bien définies et précises, tout comme leur impact sur les patients.

 

Les soins relationnels à visée thérapeutique sont pourtant partie intégrante de la prise en charge et reposent sur des savoir-faire techniques et cliniques nombreux.

Les définir, puis les incarner n’est pas si facile quand on sait que :

·      les jeunes soignants n’ont pas de formation psychiatrique et ne sont donc pas en capacité d’impulser une vision concrète du soin psychiatrique,

·      les médecins, peu formés à l’animation d’équipe, ne sont pas toujours en capacité de soutenir la dynamique collective nécessaire,

·      les pénuries de professionnels créent de fortes tensions.

 

Des formes de retrait du soin...

Nous avons observé que, lorsque les dimensions du soin relationnel ne sont pas co-construites et incarnées au sein de l’équipe, les professionnels paramédicaux peuvent basculer dans une forme de retrait du soin,  se définissant eux-mêmes comme des « geoliers ». « Sans production de soin, pas de soignants mais des surveillants » (Baptiste Brossard « L’organisation sociale des « hasards heureux »), et ils souffrent bien sûr de ce constat.

 

Dans ces situations, on retrouve souvent des points communs : les actes sont alors essentiellement centrés sur le nursing et la surveillance, les infirmiers et aides-soignants souvent regroupés dans le poste de soin, les professionnels médicaux et non médicaux travaillent séparément et ont  peu de staffs communs, les médecins restent dans leur bureau et passent peu dans le service, peu d’activités sont structurées, peu de savoirs sont partagés,  le dossier patient est minimal.

 

…qui peuvent dégénérer dans une violence systémique et dans des crises institutionnelles (dénonciation aux tutelles, prises à parti, grèves…)

 

Le manque de disponibilité des équipes peut finir par déboucher sur de la coercition, et par conséquent sur des formes de violence chez les patients (pour attirer l’attention notamment), laquelle a pour effet de faire « régresser défensivement » les équipes - rappelons que la violence verbale peut avoir autant d’impacts que la violence physique. C’est un effet en chaîne et un cercle vicieux dont l’équipe ne parvient pas à se sortir seule.

 

« Sortir du poste de soin, oui mais pour faire quoi, comment le faire et pourquoi ? » La question se pose véritablement, et y répondre implique un travail collectif pour définir :

·      les outils et savoir-faire de prise en charge à partager et à co-construire en équipe, en s’appuyant sur les savoir-faire des plus expérimentés, les médecins, et des formations dont le contenu doit être mutualisé. En voici quelques exemples : qu’est ce l’incurie, comment y répondre ? Surveillance du risque suicidaire : comment échanger avec le patient ? Comment accueillir un nouveau patient ? Ecoute et entretiens avec les patients : comment et pourquoi, quel retour lors des staffs ? Comment partager des évaluations et analyses entre patients et soignants ? Comment définir des lignes d’actions spécifique à chaque patient et communes au sein de l’équipe ? … La liste pourrait être longue et l’équipe définira ses priorités.

·      La place des soignants dans le soin, l’évaluation, l’observation, en lien avec les médecins qui doivent impulser une dynamique clinique dans toute l’équipe et pour tous les professionnels

·      La place des médecins hors de leur bureau :  il leur appartient de partager des savoirs, les analyses cliniques, de donner de l’importance à la relation soignants/soignés... ils sont un pouvoyeur essentiel de sens.

 

Dans ce travail, c’est toute l’équipe qui doit faire évoluer son rôle : le binôme managérial médico-soignant, l’équipe médicale, les soignants et cela nécessite un accompagnement individuel et collectif, en se concentrant sur le projet de soin dans ses dimensions les plus “clinico-pratiques”.

  

Les services d’hospitalisation complète sont des lieux d’excellence professionnelle. Cette excellence a besoin d’être revivifiée, explicitée, revalorisée, pour redevenir attractive pour les médecins comme pour les soignants. Un lieu où l’on se forme particulièrement bien, un lieu où les compétences sont spécifiées et valorisées, un lieu où la dynamique pluridisciplinaire nourrit les équipes…  C’est la condition pour retrouver de la fierté et pour garantir des prises en charge de qualité.

 
 
 

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